Le recouvrement de la prestation compensatoire est l'une des difficultés postérieures au divorce. La prestation compensatoire ne constitue pas un devoir alimentaire entre les ex-époux. En effet, si elle emprunte certains traits aux pensions alimentaires, contrairement à ces dernières, elle a un caractère forfaitaire. Cela signifie que la prestation compensatoire est en principe fixée une fois pour toutes, d'après les éléments existants lors du divorce. Son montant ne peut pas être modifié à la suite d'un événement ultérieur, ou alors à la baisse seulement si cette prestation est payée sous forme de rente.
Pour fixer le montant de cette prestation, une déclaration sur l’honneur faisant état de leur patrimoine doit être effectuée par chacun des époux (c.civ., art. 272).
Si un époux considère que la prestation compensatoire a été faussée par des mensonges ou des omissions dans la déclaration de patrimoine de son conjoint, il peut faire un recours en révision du jugement.
L’auteur de l’attestation frauduleuse peut être condamné à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (c.pén, art. 441-7).
Bon à savoir : les juges n'ont pas à tenir compte de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les ressources et les besoins des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire. Pour le calcul du montant alloué, seule la durée du mariage compte (Cass. 1re civ., 5 décembre 2018, n° 17-28.563).
Une fois le divorce devenu définitif, les ex-époux peuvent rencontrer certaines difficultés notamment celles concernant le recouvrement de la prestation compensatoire, de la pension alimentaire des enfants, de leur résidence (ou garde) et de l'organisation du droit de visite et d'hébergement.
Bon à savoir : la demande de prestation compensatoire, accessoire à la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel tant que la décision, en ce qu’elle prononce le divorce, n’a pas acquis force de chose jugée (Cass, 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-14.874).
Recouvrement de la prestation compensatoire : difficultés
Afin d'éviter à l'ex-époux créancier de la prestation compensatoire de se heurter à des difficultés pour le recouvrement de la prestation compensatoire, le juge peut imposer une garantie au débiteur comme la constitution d'une caution, d'un gage ou la souscription d'un contrat garantissant son paiement. Dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel, cette garantie peut être prévue dans la convention de divorce. Cependant, la pratique a révélé ces garanties inefficaces.
En général, le versement de la prestation compensatoire en capital encadrée par des délais fixés par la décision judiciaire ou la convention de divorce ne pose pas de difficultés. Il arrive qu'il soit effectué lors de la liquidation du régime matrimonial.À défaut de recouvrement de la prestation compensatoire, le créancier devra recourir à l'aide d'un huissier aux procédures de saisies mobilières et/ou immobilières, de saisie-attribution sur le compte bancaire du débiteur, ou de paiement direct sur son salaire.
Il convient cependant de noter que seule la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut faire l'objet d'une procédure de paiement direct, à l'exclusion de la prestation compensatoire versée en capital échelonné dans le temps.
Bon à savoir : pour éviter les recours abusifs, le créancier qui, de mauvaise foi, a recours à cette procédure de paiement direct sur salaire, peut être condamné à payer une amende civile pouvant aller jusqu'à 10 000 €.
Non-paiement de la prestation compensatoire : garanties
C'est à celui qui demande la prestation compensatoire de demander une garantie. Le juge aux affaires familiales peut également l'imposer, sans toutefois être tenu d'y avoir recours (ce n'est pas une obligation qui s'impose à lui). Dans la pratique, force est de constater que peu de prestations compensatoires font l'objet de garanties pour non paiement.
Comme nous l'avons vu plus haut, pour garantir un paiement régulier de la prestation compensatoire, la loi autorise le juge ou la convention à l'assortir de garanties. Il s'agit ainsi du gage, de la caution, ou encore d'une prise d'hypothèque. Le juge peut également imposer à l'époux débiteur de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital, selon les prescriptions de l'article 277 du Code civil. Il s'agit alors d'inclure les contrats d'assurance parmi les garanties que peut préconiser le juge à l'époux qui est redevable d'une prestation compensatoire sous forme de rente.
En pratique, le paiement de la prestation compensatoire est garanti de plein droit par l'hypothèque légale prévue par l'article 2121 du Code civil, s'agissant du paiement des droits et créances d'un époux sur les biens de l'autre. Ce paiement est aussi garanti par une hypothèque judiciaire : cette garantie permet au créancier, bénéficiaire de l'hypothèque, d'inscrire son droit sur tous les immeubles appartenant à son débiteur, et de prendre le cas échéant des inscriptions complémentaires sur les immeubles qui pourraient à l'avenir entrer dans le patrimoine dudit débiteur. L'hypothèque judiciaire peut être inscrite pendant le délai d'un an à compter de la dissolution du mariage, et elle prend rang au jour de son inscription.
Bon à savoir : les intérêts produits par la prestation compensatoire sont dus à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce devient irrévocable, et la condamnation à des dommages et intérêts emporte intérêts à compter du prononcé du jugement ou de l'arrêt qui l’a allouée (Cass. 1re civ., 7 février 2018, n° 17-14.184).
Important : la publication par le notaire au fichier immobilier du jugement du divorce ne vaut pas inscription d'hypothèque, celle-ci doit faire l'objet d'une publication spéciale au service de la publicité foncière selon les prescriptions des articles 2137 et suivants du Code civil.
Révision de la prestation compensatoire
Versée intégralement sous forme de capital, la prestation compensatoire n'est pas révisable. Cependant, elle peut être révisée, suspendue ou supprimée pour la partie du capital versé sous forme de rente. Les demandes concernant la révision de la prestation compensatoire sont à porter devant le juge aux affaires familiales.
Pour ce faire, il est nécessaire d'établir l'existence d'un changement important intervenu dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties :
- une mise à la retraite anticipée imprévisible ;
- la découverte postérieure au divorce d'une grave maladie...
Le juge apprécie souverainement le fondement de la demande de révision. Il n'est pas nécessaire de justifier d'un changement important pour bénéficier de la possibilité pour le créancier et ses héritiers de s'acquitter définitivement de la rente en lui substituant un capital selon un tableau de conversion fixé par décret (décret n° 2004-1157 du 29 octobre 2004). A contrario, substituer une rente à un capital est impossible.
Bon à savoir : si la demande de révision porte sur une rente viagère, l'absence de changement important ne permet pas d'obtenir une baisse ou une suppression de la prestation compensatoire (Cass. 1re civ., 4 juillet 2018, n° 17-23.655).
Enfin, il n'est pas permis de solliciter une augmentation de la prestation compensatoire versée sous forme de rente.
Prestation compensatoire : obligation de paiement transmise aux héritiers
La charge du paiement de la prestation compensatoire est transmissible aux héritiers du débiteur. Ainsi, le décès du débiteur oblige en effet ses héritiers à continuer le versement de cette prestation, ce qui est très mal vécu par ceux-ci, et encore plus quand ils sont les enfants d'une première ou seconde union du défunt.
Dès lors, le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession, et supporté par tous les héritiers de son débiteur qui y sont tenus personnellement dans la limite de l'actif successoral.
Si la prestation compensatoire a été fixée sous la forme d'un capital, le solde de celui-ci devient immédiatement exigible, et il n'est plus possible de demander la révision des modalités de versement de ce capital.
Si la prestation compensatoire a été fixée sous la forme d'une rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible.
Les héritiers peuvent toutefois décider de maintenir les modalités de versement de la prestation compensatoire qui incombait à l'époux débiteur, en s'obligeant personnellement, selon les prescriptions de l'article 280-1 du Code civil, au paiement de cette prestation. Grâce à ce choix, l'action en révision de la prestation compensatoire leur est ouverte.
Cependant, pour éviter que les héritiers ne subissent la charge de l'obligation de paiement de la prestation compensatoire en cas de décès du débiteur, les époux peuvent opter pour une rente viagère sur la tête du débiteur. En fixant la prestation compensatoire sous cette forme de rente temporaire, il est alors possible de demander au débiteur de souscrire une assurance-décès dont les bénéficiaires seraient ses héritiers. De cette façon, ces derniers seraient déchargés de l'obligation de paiement de la prestation compensatoire au décès du débiteur.
Bon à savoir : la prestation compensatoire donne droit à une réduction d'impôt si elle est versée sous forme d'un capital (accompagné ou non d'une rente) versé sur douze mois au plus (article 199 octodecies du Code général des impôts, modifié par l'article 3 de la loi de finances pour 2021).
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